Suzanne... (Épilogue)

 Épilogue



Rose est debout devant son plan de travail, occupée à préparer son fameux goulasch sans viande — Rose ne mange pas les animaux. Je n'en mange plus non plus — et assise à la table de la cuisine, devant une tisane fumante, je la regarde faire. Je ne vois d'elle que son dos parsemé de cheveux gris, qui tout entier s'anime, tandis qu'elle tranche finement ses légumes. Je m'attarde sur son épaule droite qui s'élève, puis s'abaisse, vaillamment, sans s'arrêter, cette épaule étroite, petite partie délicate qui appartient à un tout, Rose, ma sœur, qui cuisine pour nous. Je me dis qu'à présent, elle ressemble vraiment à notre grand-mère. Dans la cuisine de Rose, les murs sont bleus, ils l'ont toujours été. Un bleu tendre, un bleu ciel. Pendant toutes ces années sans elle, il m'arrivait de l'imaginer là, dans cette même pièce bleue, et la première fois que je suis retournée chez elle, après tout ce temps, je n'ai pas été surprise de voir que rien n'avait vraiment changé. Rose avait objecté : elle avait récemment refait les peintures. Peut-être, mais c'est le même bleu. Je regarde par la fenêtre les petites maisons serrées les unes aux autres, la rue pavée tranquille sous elles, le ciel dégagé au-dessus, le tout baigne dans une clarté laiteuse. Ce fut une journée d'hiver froide et sèche comme je les aime. Pendant un court instant, Rose retient la lame de son couteau sur la planche et sans se retourner me demande :
— Quand as-tu dit qu'ils arrivaient ?
Je jette un œil à la pendule fixée au mur.
— Dans moins d'une heure, c'est ce qu'elle m'a dit.

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