Quand j'étais nous. Chapitre 6
– Pourquoi restes-tu ici avec tout ce qui s'est passé ?
– Tout ce qui s'est passé, c'est du passé.
– Je ne te demande pas pourquoi tu es revenue. Mais pourquoi tu restes. Je ne te parle pas des autres. Je te parle de lui. De ce qu'il a fait après que tu sois partie.
Alors elle enchaîne, elle déploie sa parole comme elle déroulerait un rouleau de fils barbelés. Elle crache les mots "assassin" et "barbarie" qui m'atteignent comme des fléchettes empoisonnées. Pourtant ce qu'elle dit, je ne peux l'entendre et je ne peux le croire. Cette femme-là, c'est une boîte à mensonges qui s'ouvre. Mais sonnée par la tempête, je suis à sa merci. Je ne trouve pas une seule brèche pour l'interrompre. Je suis en train de me ramollir, de me rabougrir. Et elle parle et elle parle. Je devrais lui dire de fermer sa gueule ou l'étouffer de mes mains. Mais mon dos ploie comme si une deuxième elle se trouvait derrière moi et me frappait la nuque avec un bâton. Et puis la pluie s'arrête et la tempête se calme. Elle me regarde au fond des yeux, pose sa main squelettique sur mon épaule et conclut avec un air qui semblerait presque sincère : « Je suis désolée ».
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